Proposition de traitement par Mr Lars Nyeborg, Lycée Albert-Ier de Monaco, TS4, avril 2018.
The Truman Show est un film américain de Peter Weir sorti en octobre 1998. Il s’agit d’un « reality show », champion de l'Audimat en 2020 centré autour du quotidien de Truman Burbank filmé et retransmis 24/7.
Tout le monde a l’air d’être heureux et suit une routine. Truman travaille en tant qu’employé d'assurances et grand générateur de pub, de merchandising et de fan-clubs. Il évolue dans une ville-studio du nom de Seahaven. Sa « mère », sa « femme », ses « collègues », ses « voisins » et son « meilleur ami » sont interprétés par des comédiens, mais Truman l'ignore ce qui le maintien dans l’illusion.
Depuis sa naissance 5 000 caméras invisibles traquent à son insu ses émotions, ses mouvements, son intimité, et les retransmettent dans le monde entier. Tout ce show télé a été imaginé par Christof, le producteur qui contrôle tout, même la météo. Le nom Truman vient de « true man » qui signifie l’Homme vrai et « show » vient de la télé-réalité. En effet, il est le seul « vrai Homme » tout au long du film. Truman est donc emprisonné dans cet immense studio malgré lui.
Mais il commence peu à peu à douter (latin dubitare. Ne pas être sûr de l'authenticité de quelque chose, de sa réalité, de sa vérité) du monde dans lequel il vit à l’aide d’indices et incidents et réussit finalement à en sortir.
Extrait : 29min 30 à 30min 30 http://www.voirfilms.ws/the-truman-show.htm
Dans cet extrait nous pouvons voir que Truman est dans sa voiture et intercepte les communications des scénaristes qui indiquent ses faits et gestes et se rend compte que quelque chose ne va pas. Lorsqu’il tourne vers Lancaster square, la voix qu’il entend le dit aussitôt. Il prend conscience que quelqu’un l’observe et qu’il y a des figurants donc que quelque chose est faux.
Cette scène est un grand pas vers la vérité (lat veritas, « vérité », dérivé de verus, « vrai ». Ce à quoi l'esprit peut et doit donner son assentiment) que recherche Truman et cela est le début d’un doute qui le hante et qui finit par le pousser à la liberté (lat. libertas, -atis. Situation d'une personne qui n'est pas sous la dépendance de qqn ou qui n'est pas enfermé.), à la sortie de ce simulacre.
Problématique :
Que peut-on savoir du réel ? Faut-il préférer le bonheur à la vérité ? La liberté conduit-elle au bonheur ?
I - Que peut-on savoir du réel ?
Il existe plusieurs niveaux de réalité dans The Truman Show. D’un côté il y a le monde du point de vue de Truman qui est le monde dans lequel il vit pour de vrai, le monde de la perspective de Christof (le producteur qui voit la ville depuis une lune artificielle) et enfin le monde vu des téléspectateurs à l’aide des 5 000 caméras dispersées dans Seahaven.
Tout est fait pour que Truman soit maintenu dans l’illusion. Truman se trouve donc dans un simulacre. Nous retrouvons une situation semblable dans l’allégorie de la caverne de Platon dans laquelle des hommes sont prisonniers (enchaînés et immobilisés) dans une caverne tournant le dos à l'entrée et ne voyant que leurs ombres et celles projetées d'objets au loin derrière eux. Truman est enchaîné au fond de la « caverne » et vit d’illusions.
D’une manière plus générale, nous pouvons nous demander si les sens sont trompeurs. Et, si c’est le cas, comment peut-on distinguer le réel de ce qui ne l’est pas ? Comment peut-on différentier la réalité du rêve ?
Toutes ces questions sont abordées dans Matrix (film de Wachowski, 1999). Néo et Truman ne sont pas si différents car ils vivent tous deux dans un simulacre, duquel ils sortent de leur propre volonté. Dans l’allégorie de la caverne les prisonniers sont manipulés par des marionnettistes comme Truman dans Seahaven. Le marionnettiste en question est Christof, le producteur qui fait tout pour que Truman reste dans ce monde qu’il a créé pour lui.
Christof contrôle tout le monde et influence grandement Truman dans ses choix : il choisit sa femme, son travail et a tout fait pour que Truman ne succombe pas à ses désirs d’aventure de jeunesse lorsqu’il voulait devenir explorateur. Christof a réussi à faire de la mer une phobie pour Truman en « noyant » son père devant lui. Ayant grandi et vécu dans ce studio durant toute sa vie Truman ne peut pas se rendre compte de l’illusion qui l’entoure, de plus cette illusion est totale et quasi parfaite. Même si Truman vit dans ce monde, sa vie n’est pas la sienne car elle est contrôlée par autrui. Il est donc aliéné.
Nous pouvons alors nous demander, plus généralement parlant, comment savoir si le monde dans lequel nous vivons est bien réel et s’il ne s’agit pas d’une gigantesque pièce de théâtre ?
II - Faut-il préférer le bonheur à la vérité ?
D’après Christof, Truman est plus heureux dans Seahaven qu’il le sera dans le monde réel. De plus, son show procure des instants de bonheur à des milliers de spectateurs ce qui d’après lui justifie ses actes et fait de lui un être omnipotent. Dans ses Méditations, Descartes parle d’un "mauvais génie" – un être divin malin dont le seul but est de nous tromper. C’est le cas de Christof qui fait tout pour tromper Truman et cela pour son propre plaisir.
Une seule personne essaie de prévenir Truman qu’il est en réalité dans une émission télévisée : Sylvia, son premier vrai amour (hors scénario) qui est ensuite écartée à jamais du studio. Truman ne l’oubliera jamais. Après avoir perdu Sylvia, Truman essaie en secret de recomposer son visage à partir de plusieurs photos découpées afin de toujours penser à elle.
C’est à l’aide de plusieurs événements que Truman se pose de plus en plus de questions sur ce qui l'entoure. En effet, avant ces péripéties, l’illusion est totale et donc Truman n’a pas de soupçons et vit une vie heureuse alors que, lorsqu’il commence à douter du monde dans leque,l il vit il n’est plus heureux mais devient sceptique.
Il cherche à connaître la vérité et le lien avec celle-ci semble être Sylvia. Truman n’est pas heureux dans ce monde conçu pour lui et préfère chercher la vérité à tout prix pour trouver son propre bonheur et retrouver Sylvia.
Il y a donc deux conceptions du bonheur (lat bonum augurum. État de pleine satisfaction) qui s’opposent le bonheur offert par Christof et le bonheur imaginé par Truman. Selon Kant, la raison enseigne ce qu’il faut faire pour éviter d’être malheureux, non ce qu’il faut faire pour être heureux. Le bonheur étant l’idéal d’une satisfaction maximale, je ne peux jamais savoir si je l’ai atteint. Il est un « idéal de l’imagination » : comme nous ne pouvons le définir, l’entendement ne peut déterminer les moyens pour y conduire.
EXTRAIT : 1h 31min 47s http://www.voirfilms.ws/the-truman-show.htm
III - La liberté conduit-elle au bonheur ?
Après avoir atteint le bout du studio en bateau et ayant survécu aux épreuves inhumaines de Christof, ce dernier prend la parole et essaye une dernière fois de dissuader Truman de partir en prétendant mieux le connaître que lui-même. C’est un "mauvais tuteur" (ck Kant) qui jusqu’au bout continuera à vouloir dissuader Truman de le quitter à cause de son show car il est égoïste et n’a jamais permis à Truman de grandir.
Christof considère Truman comme un objet permettant d’augmenter son chiffre d’affaire. Sa libération permettra à Truman de pouvoir trouver de "bons tuteurs" et de découvrir le monde extérieur afin de devenir "majeur". La liberté est ce que recherche Truman dés lors qu’il commence à douter.
Kant montre qu’il n’y a de liberté que dans l’autonomie, c’est-à-dire l’obéissance à la loi morale qui, issue de la raison, assure notre indépendance à l’égard de tout motif extérieur et pathologique. La liberté est alors non pas tant un fait qu’une exigence dont l’homme a à se montrer digne.
Nous pouvons admirer la volonté inébranlable de Truman qui veut à tout prix se libérer de l’emprise du malin génie dont il sent l’omniprésence dans sa vie. Même si Truman est aliéné, il est celui qui est humain car tous, hormis Sylvia ne se soucient que de leur propre divertissement.
Conclusion
Truman est prêt à tout afin de trouver la vérité, de devenir un homme libre et de vivre le vrai bonheur. Ce n’est certes pas le chemin le plus facile mais plutôt une question d’honneur et de dignité.
Ce show révèle une facette de l’Homme en tant qu’un être égoïste qui ne pense qu’à son propre divertissement et non à autrui et qui n’est donc pas celui qu’il prétend être. Tout ce show n’est là que pour divertir et procurer des sensations aux spectateurs. Truman est utilisé pour arriver à ce résultat.
Ce film révèlve encore plusieurs autres questions comme celle du masque social ou encore de la morale. Pour conclure, nous pouvons donc nous demander s’il est possible de distinguer une vraie personne d’un acteur qui joue parfaitement la comédie. En quelle mesure sommes-nous capables de créer notre propre réalité pour mieux vivre, pour survivre et/ou pour être plus heureux ?
Commenter cet article