Proposition de traitement par mr Aurélien Museux, Lycée Albert-Ier de Monaco, avril 2018.
Cet article consiste à approcher certains sens que l’on peut attribuer à la musique sans pour autant, en donner une définition générale et universelle. A travers le film Immortal Beloved de Bernard Rose (1994) nous construirons notre exposé, film dans lequel Anton Schindler a pour but de trouver l’héritière de Beethoven appelée “son immortel bien-aimée ; aujourd’hui encore inconnue.
Les questions qui peuvent alors se poser sont les suivantes : Quelles sont les conséquences de la musique sur l’Homme ? La musique et l’Homme forment-ils un seul et même sujet ? La musique a-t-elle un pouvoir d’unification ou de domination ?
Le plan suivi se décline en 3 parties : en premier lieu nous traiterons les sens donnés communément à la musique. Ensuite nous verrons les pouvoirs de la musique et enfin nous terminerons par les sensations et les sentiments provoqués par la musique. A l’appui de notre argumentation, nous utiliserons l’ouvrage La musique et l'ineffable de Vladimir Jankélévitch, et également : La pensée et le mouvant de Bergson.
1) le sens de la musique
Nous pourrions penser que la phrase “Je donne à ma musique la force de mes sentiments” revient à Ludwig van Beethoven. Dans un premier temps nous étudierons le sens donné par Bergson. Ce dernier estime que la musique est un travail intellectuel ; selon lui, il s’agit de l’effort d’une pensée “Parce que nous pensons” et d’une cohérence sonore. On peut alors associer à ce sens le concept du conscient (qui est la connaissance du soi-même et la reconnaissance de son sujet par la possibilité de dire “je” ou “moi”).
Le “parce que nous pensons” renvoie directement à “Je pense donc je suis” de René Descartes, qui par ces simples mot explique la conscience de son existence. Cette pensée est donc la conséquence d’un travail qui implique dès lors l’action de l’auditeur. En effet, selon Bergson la musique s’apparente à la mise en forme du son brut entendu en une mélodie. Un travail aussi intellectuel que sensoriel (jeu de mot entre sens de la musique et sens humains) car l’auditeur exploite le son mais également l’image lors de l’audition d’une partition.
Bergson dit : “Nous écoutons alors la mélodie à travers la vision qu’en aurait un chef d’orchestre de sa partition”. Une fois de plus les termes “partition” ou encore “chef d’orchestre” attribués au champ lexical du travail, laissent entendre que la musique n’est la résultante que de travail et de mécanismes. Cela nous pousse alors à nous interroger sur l’essence la musique (et nous conclurons cette première sous-partie avec ce dernier jeu de mot entre sens et essence).
Ensuite, à partir d’un extrait du film de Bernard Rose, on peut voir le futur grand ami et secrétaire de Beethoven assister à une répétition de la dernière sonata pour piano et violon de Beethoven. Le compositeur arrive et lui pose la question “A quoi sert la musique ?” qui nous mène au deuxième sens que l’on peut donner à la musique, à travers la réponse d’Anton Schindler l’ami et sympathique secrétaire de Beethoven : elle sert à exalter l’âme.
La vision de l’auditeur se confronte immédiatement à celle du compositeur, en effet, selon Beethoven la musique décrit un contexte qui n’est ni plus ni moins l’univers du compositeur. Il lui sort d’ailleurs l’exemple de la marche, de la valse et de la messe car c’est vrai, lorsqu’on entend une marche c’est fait pour marcher, lorsqu’on jouit du son d’une valse c’est pour danser et enfin dans le recueil d’une messe, c’est pour recevoir la communion. La musique serait alors comme un tableau d’un peintre impressionniste, cherchant à décrire les sentiments du compositeur et non à flatter son l’âme.
La musique donc d’après Beethoven cherche l’union de l’âme du compositeur et de l’auditeur. Contrairement aux arguments avancés par Bergson, la musique s’éloigne d’un travail intellectuel pour se rapprocher d’une recherche spirituelle. La représentation et la traduction parfaite de l’idée de Beethoven à avoir dans une musique une seule âme, est l’orchestre car en effet, tous sont unis au service d’une musique et d’une mélodie expressive. Beethoven étant le premier compositeur de l’histoire à mettre dans la musique sa fougue. La musique apparaît donc ici clairement comme un fait psychique (ce qui est relatif au conscient et à l’inconscient).
Enfin, pour conclure sur cette première partie des sens donnés à la musique nous analyserons une image du film en s’appuyant également sur l’ouvrage de Jankélévitch. Le philosophe dont les travaux portent sur la musique dit “Si l’esprit est touché, la physionomie s’en trouve modifiée et les traits du visage s’animent au rythme de la musique”.
On peut en effet observer sur cette image que les deux personnages sont légèrement courbés, leurs yeux fermés et plongés dans le rythme et la mélodie de la dernière sonata pour piano et violon de Beethoven. L’ami du compositeur semble donc comprendre le point de vue de Beethoven, et de par leur posture, leur âme sont en communion. La musique a donc bel et bien une dimension psychique.
2) les pouvoirs de la musique
Ensuite, on peut attribuer à la musique certains pouvoirs. Toujours dans le même extrait, Beethoven dit que la musique “permet d’accéder directement à l’état mental du compositeur [...] une sorte d’hypnotisme car l’auditeur n’a pas le choix”, ce qui signifie qu’ainsi en écoutant la musique nous ne serions plus nous-mêmes. Ce serait une sorte de prise d’otage mentale et psychique de l’auditeur, qui perdrait alors son “moi” donc son sujet.
Ainsi nous nous éloignons du sens donné par Bergson, pour qui justement la musique est quasi-identitaire est permet la constitution du sujet. Ainsi en écoutant de la musique nous ne serions plus nous-mêmes.
Puis, dans un deuxième extrait, dans lequel on voit Beethoven jouer sa sonate dite pathétique, une femme parle en voix-off et elle dit “Sa musique est jugée malsaine car elle déchaîne les passions”. L’emploi du terme “déchaîne” montre le côté excessif du pouvoir de la musique de Ludwig. Quant aux “passions” évoquées, une fois de plus ce mot met en avant l’aspect extrême de ce qui est déchaîné; car une passion est souvent involontaire et on ne peut la contrôler. Ceci fait donc écho aux phrases dites par Beethoven dans l’extrait précédent.
Il s’agit bien d’une sorte d’hypnotisme, car l’auditeur ne peut plus se contrôler. Il se peut dès lors que la musique ait une répercussion sur notre conduite. En effet, la musique ôterait tout capacité de contrôle, et au contraire, conforterait des attitudes extrêmes et controversées. L’Histoire a notamment retenu Richard Wagner, compositeur préféré du dictateur Adolf Hitler et auteur d’importantes pièces grandiloquentes, nous avons en tête la chevauchée des Valkyries. Aujourd’hui encore, certains “musiciens” se refusent à écouter du Wagner car ils estiment que ces oeuvres célèbrent un pouvoir trop terrible et qu’elles ont contribué aux tragiques événements du siècle passé.
Pour en revenir à Ludwig Van Beethoven, ce dernier a écrit ce qu’on appelle le Testament d’Heiligenstadt, lettre dans laquelle il confesse à ses frères qu’il devient sourd, qu’il n’est ni misanthrope ni un “monstre”. La passion dont il remplit sa musique n’est rien d’autre que l’expression de ses sentiments. Il existerait donc inexorablement dans la musique de Beethoven, un lien entre le pouvoir de la musique et les sentiments du compositeur.
Cela nous amène alors à la troisième et dernière partie de l’article, qui est : les sensations et les sentiments provoqués par la musique.
3) les sensations et les sentiments provoqués par la musique
Dans un premier temps, nous pouvons considérer que les sensations appelées par la musique dépassent l’usage des sens, selon Bergson et sa “vision de la partition”. La musique est alors la propagation extérieure d’un son pour des sentiments intérieurs de la mélodie. Encore une fois, selon Bergson, la musique ne serait qu’une pâte sonore difforme et insensée 'il n’y avait pas de conscience intellectuelle de la part de l’auditeur.
Cela marque aussi le contraste entre le silence et la musique, et si nous nous en tenons au sens de Beethoven et dans une moindre mesure de Jankélévitch, il s’agit du contraste entre la conscience du “moi” et la dépendance vis-à-vis de quelqu’un d’autre.
Dans un dernier extrait du film Immortal Beloved, on peut voir Beethoven agité, la surdité s’est déjà emparée de lui, et il demande alors à son neveu Karl de lui jouer du piano pour lui. Ce dernier se met alors au clavier et commence à interpréter ce que Ludwig “croit” être le deuxième mouvement de sa plus fameuse sonata pour piano. Les images du film montrent un homme qui commence peu à peu à s’allonger, et il commence à pleurer. La musique l'apaise.
Ensuite, Jankélévitch dit : “La musique ôte toute capacité de mouvement à l’Homme, qui devient totalement éloigné de lui même”. Or, l’attitude de Beethoven dans cet extrait pousse à croire le contraire. En effet, par l’apaisement de ce dernier, il semble se retrouver et donc rentre bel et bien en union avec l’âme du compositeur.
Nous pouvons également relever la contradiction entre l’apaisement et la tristesse de Beethoven. Ce sont en effet deux sentiments qui s’opposent clairement. Cela rejoindrait alors ce qu'énonce le philosophe Jankélévitch, car “la musique ôte toute capacité de mouvement”, Beethoven ne peut que “s’effondrer” sur son lit et il est éloigné de lui-même car il y a une incohérence au niveau de ses sentiments.
Cela nous éloigne encore plus de la thèse de Bergson soutenu dans La pensée et le mouvant, qui est que la musique ne serait qu’un travail intellectuel qui, en dépit de l’existence des sentiments, pousserait à ce que ces derniers soient cohérents et rationnels. C’est pour cela que nous nous refusons dans cet exposé, à donner une définition générale et universelle de la musique. Car d’une personne à l’autre, la musique à un pouvoir donné qui procure alors certains sentiments donnés. De plus il existe, un lien indiscutable entre les pouvoirs de la musique et les sentiments procurés par celle-ci.
Conclusion
Les conséquences de la musique sur l’Homme sont aussi nombreuses que variées. La sensibilités de l’auditeur rentre en jeu et écarte alors vraisemblablement la thèse d’un travail pur et indifférent des sentiments. Si la musique ne se bornait qu’à un travail et à l’absence de sentiments, cela ferait longtemps que cette-dernière aurait disparu de la surface de la terre.
Car comme chacun le sait, le travail s’oppose avec tout ce que l’Homme aime. Ensuite, il serait rapide de conclure que l’Homme et la musique ne forment qu’un seul sujet. L’auditeur tend à rentrer dans l’univers du compositeur sans jamais comprendre l’état mental du compositeur, pour reprendre les termes de Beethoven dans le film Immortal Beloved.Le compositeur exercerait donc une domination totale sur l’auditeur qui n’a pas le choix.
La musique à donc essentiellement uun pouvoir de domination, ainsi que d’unification (comme nous l’avons vu avec l’exemple de l’orchestre).
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