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"After Earth" : la  PEUR ou l'EFFACEMENT ? (exposé)

Publié le 19 Mars 2018, 08:21am

Catégories : #Philo & Cinéma, #Philo (exposés)

"After Earth" : la  PEUR ou l'EFFACEMENT ? (exposé)

Proposition de traitement par Théo Arcin, Lycée Albert Ier de Monaco, 1èreS4, février 2018.

After earth ( synopsis )
1 000 ans auparavant, la dégradation environnementale extrême de la Terre par les humains les a poussés au départ vers la planète Nova Prime.  Cependant, sur cette dernière, des créatures créées génétiquement, les Ursas, tuent les êtres humains…
Un jour, le général Raige, un Ranger, part en mission, emmenant son fils Kitai avec lui.  Malheureusement, une pluie d'astéroïdes provoque le crash de leur vaisseau sur la Terre. Tout l'équipage a été tué sauf eux. 
Leur vaisseau est séparé en deux morceaux distants de 100 km. Une balise de détresse leur permettrait de contacter les autres Rangers, mais elle ne fonctionne plus. Heureusement, il en existe une deuxième, mais elle se situe dans la seconde partie de l'appareil. 
Le général Raige, qui a eu les jambes cassées dans le crash, décide d'envoyer son fils Kitai chercher l'autre balise. Ce dernier va explorer des lieux inconnus remplis d'animaux sauvages qui ont pris le contrôle de la Terre, mais aussi affronter l'inquiétante créature extraterrestre Ursa qui s'est échappée lors du crash.  Ils devront donc faire preuve de courage et apprendre à collaborer s'ils veulent rentrer chez eux... Et surtout apprendre à "s’effacer"...


 

1 - Qu’est ce que la peur selon le héros ?
La peur, selon le héros, n’existe pas. C’est juste une projection sur le futur, l’appréhension de quelque chose qui n’est pas encore arrivé. C’est un pari que nous faisons sur une situation, en imaginant le pire scénario qui pourrait arriver.  Là naît la peur.

Selon le dictionnaire, la peur est une émotion normale de l'organisme au même titre que peuvent l'être la joie ou la tristesse. Son rôle est de nous protéger plaçant notre corps en alerte lors de la réception d'un stimulus extérieur tel qu'un bruit ou image... La peur est une émotion ressentie généralement en présence ou dans la perspective d'un danger ou d'une menace. En d'autres termes, la peur est la capacité de reconnaître le danger et de le fuir ou de le combattre, également connue sous le terme « réponse combat-fuite ».

D’un point de vue philosophique, il est difficile de donner une définition simple de la peur, la peur n’est pas un seul sentiment en soi mais renvoie à plusieurs sentiments. On peut notamment distinguer :
- la peur d’un mal présent, réel et instantané (qu’on pourra nommer frayeur ou même épouvante
- la peur d’un mal futur (qui correspond plus précisément à la crainte). 

Dans tous les cas, nous avons peur de ce qui pourrait, selon nous (à tort ou à raison), nous faire du mal de n’importe quelle manière. Selon le héros la peur est donc "virtuelle"…. 

Ce qui existe en effet , c’est la prise de conscience de l’ici et maintenant, du moment présent.  Le Héros dit en ce sens à son fils : « Vois, écoute et sens  maintenant. Habite ton corps et la peur n’a pas lieu d’être ».

Cette peur virtuelle ou irréelle ne présente aucun danger réel. Toutes les peurs proviennent plutôt de l’imagination humaine mal utilisée Comme, par exemple, quand étant enfants nous avions peur de créatures fictives. Ou la peur que l’on ressent quand on regarde un film d’horreur.  Cette peur n’est pas justifiable et n’est qu’un parasite en nous. Elle fait  partie de notre imagination contrairement aux peurs réelles.

Spinoza rejoint la vision de notre héros dans son Ethique (1670): pour lui, ces peurs irréelles font partie des "affects négatifs", donc contraires à l’épanouissement de l’être humain, et sont négatives pour l’homme. Il énonce que la peur ne fait pas partie des "affects raisonnables" :
« Qui est mené par la crainte, et fait le bien pour éviter le mal, n’est pas mené par la raison ».

Selon le philosophe, lorsqu’on agit  par la raison on agit par joie ou désir. Seuls les superstitieux cherchent à contenir le mal par la peur de la mort.  Ainsi, le sage est celui qui a dépassé cette peur de la mort, et qui n’y accorde même aucune pensée : « L’homme libre ne pense rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie » ; « La puissance de l’homme est extrêmement limitée et infiniment surpassée par la puissance des causes extérieures »

Le hippie Ambroise Redmoon, un des co-fondateurs ou peut-être le fondateur de l'école Six Day située au sommet d'une montagne dans le comté de Sonoma (une école qui préparait les étudiants à survivre au milieu d'Armageddon - lieu symbolique du combat final entre le Bien et le Mal), « Le courage n’est pas l’absence de peur, mais la conviction qu’il y a quelque chose de plus important de la peur ».  Redmoon cherche également à minimiser le rôle de la peur et à lui donner un sens positif en la transformant en courage.
Selon Aristote, « La peur est le sentiment qui découle de l’anticipation du mal »


La vision de Spinoza, Ambroise et Aristote correspond finalement à l’enjeu du film. C’est-à-dire la maîtrise de la peur. La peur est alors un démon intérieur.  Il peut prendre sa source dans un passé qui n’existe plus et peut renaître à chaque fois que nous faisons des suppositions sur ce qui pourrait se passer.

Dans le film, ce démon intérieur attire le monstre tueur d’humain qui nous repère uniquement grâce à la peur. C’est exactement ce qui se produit dans la vie, ces peurs irréelles nous détruisent petit à petit ou alors nous restons dans notre zone de confort avec le risque de nous perdre.
Prenons l’exemple d’Harpagon dans l’Avare de Molière : sa principale crainte est d’être pauvre, de ce fait il passe sa vie à économiser le moindre sou et du coup il vit comme un pauvre. Il se complait dans sa misère plutôt que d’affronter sa phobie.
    

2 - Le dépassement de la peur selon les stoïciens

)ontrairement à Spinoza, Ambroise, Aristote et notre héros, la peur n’existe pas aux yeux de Sénèque. Pour Sénèque, le seul mal qui existe est la faute morale ; la peur doit céder la place à la précaution, qui permet à l'homme de se prémunir rationnellement contre des désagréments que la raison nous conseille d'éviter 
Cette approche est celle retenue par les stoïciens dont Sénèque a été un des chefs de file. Le nouveau stoïcisme est centré sur l’homme, sur l’effort et sur l’intention du bien : la sagesse se définit par la possession d’un art convenable, autrement dit l’acquisition de la vertu.
Dans le stoïcisme, le bonheur désigne l’indépendance vis-à-vis des circonstances extérieures et le détachement à l’égard des choses. La maîtrise de nos représentations et l’exercice du jugement permettent d’y accéder. C’est une philosophie de la liberté intérieure.
La maîtrise des représentations conduit à l’ataraxie, autrement dit la sérénité de l’âme, à l’absence de trouble, à l’apathie, état de l’âme qui ne perçoit même plus la douleur.
 L’homme atteint ainsi le Souverain Bien, le bonheur conçu comme existence en accord avec la Nature ou Dieu.
L’homme ne connait tout simplement pas la peur.


3 - Toutes les peurs sont-elles irréelles ?
Nous venons de voir que beaucoup de nos peurs sont irréelles et néfastes pour l’homme. Mais comment devons-nous appeler la sensation qui nous envahit quand nous sommes face à un danger réel ?
Nous pouvons également appeler cela la peur mais cette peur réelle a alors un effet bénéfique sur l’Homme. La peur est un sentiment qui accompagne la prise de conscience d’un danger ou d’une menace. 

Grâce à ce sentiment, le cerveau réagit instantanément en donnant les ordres nécessaires au corps physique afin que ce dernier soit en mesure de faire face à la situation qui représente un danger, une menace. 

L’être humain a développé trois réponses face à la peur ou à un danger imminent : 

Rester immobile   ----->    afin de passer inaperçu
Fuir         ---------------->     mettre de la distance avec le danger
Attaquer   --------------->     faire face au danger


Notre héros ne met pas en avant les peurs réelles dans le film et pourtant ce sont elles qui font avancer notre jeune héros. Elles lui permettent d’aller au-delà de ses capacités, d’affronter tous les obstacles comme le froid…

A travers l’histoire de l’humanité, la peur nous a aidé à survivre. Il est vrai que l’utilité adaptative de la peur a diminué avec l’évolution de la société humaine et notre style de vie principalement sans danger. La peur n’est rien qu’un bouton qui nous prépare à l’action, cela nous aide à survivre, que ce soit en fuyant les problèmes, en faisant face au danger ou en passant inaperçu.
Même si le danger disparaît, les peurs n'ont pas disparu et se sont mêmes adaptées à notre époque. L’être humain est capable de créer de nouvelles sources de peur. Comme par exemple la peur de vieillir...


Darwin évoque dans L'origine des espèce( 1859) ce sujet avec sa théorie sur la sélection naturelle. Cette dernière repose sur  trois principes : le principe de variation, qui explique que les individus diffèrent les uns des autres, le principe d'adaptation (les individus les plus adaptés au milieu survivent et se reproduisent davantage) et le principe d'hérédité. Il ne dit pas que c’est la peur en elle-même mais une faculté à s’adapter à son milieu qui permet de survivre.
Mais la peur ne permet-elle pas à l’individu de s’adapter ?

Afin de ne pas connaître la peur, beaucoup d’entre nous préfèrent rester dans une zone où elle n’a aucune chance d’exister, c’est ce qu’on appelle notre zone de confort. Là bien sûr, aucun risque d’attirer à nous le malheur (et encore), nous ne prenons aucun risque mais nous stagnons…nous nous arrêtons dans notre médiocrité. Selon la théorie de Darwin ces personnes sont destinées « à mourir ».


4 -Comment, alors, maîtriser la peur ?

Les manifestations de la peur peuvent être très différentes d'un individu à l'autre :  pour certains, elle stimule. C'est le cas par exemple du trac de l'artiste.  Pour d'autres, elle paralyse et inhibe toute réaction…  La peur peut-être positive ou négative ; elle peut-être vécue ou subie.

Le général Raige, notre Héros explique à son fils que  : 
« La peur n’a rien de réel, le seul endroit où cette peur existe c'est dans nos pensées et notre vision de l’avenir, c ’est une production de notre imagination qui induit en nous la peur de choses qui n’existent pas sur le moment et qui pourrait d’ailleurs ne jamais exister ce qui s’apparente a de la démence. Attention le danger est réel mais la peur est un choix. »

Il conseille à son fils de "vider son esprit" afin de ne pas être parasité par des idées ou pensées néfastes.L'adolescent doit simplement apprendre à effacer sa peur et à sortir de sa zone de confort sans être paralysé, sans panique, en ayant conscience des enjeux, des dangers potentiels et surtout en y faisant  face. Raige lui dit que la seule solution est d’apprivoiser la peur comme le Petit Prince qui apprivoise le renard (chez Saint Exupéry) mais qu'il ne faut jamais sous estimer le danger. "La peur est un choix".

Conclusion
La peur est présente dans tous les individus, étant une émotion son approche est personnelle et elle évolue en fonction des êtres. Chacun la gère (ou pas) à sa façon.  Chaque individu peut décider d’en faire une force ou une faiblesse Chaque individu peut la vivre ou la subir. Chaque individu peut l’apprivoiser ou se laisser envahir. "La peur est un choix"…

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