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Philip Le Roy, "Le Neuvième Naufragé"

Publié le 27 Février 2018, 10:32am

Catégories : #ROMANS

Philip Le Roy, "Le Neuvième Naufragé"


Quand le récit prend l’eau


Après avoir pro­posé maints thril­lers toniques se dérou­lant aux quatre coins du monde (L’origine du Monde, La Porte du Mes­sie…), Phi­lip Le Roy se donne et nous offre avec Le Neu­vième Nau­fragé un nou­vel angle de frappe roma­nesque : le micro­cosme ou le huis clos consti­tué par  le ras­sem­ble­ment, à bord d’un voi­lier, le Spa­nish Queen,  de huit “amis” réunis par la grâce (c’est à voir) d’un un groupe Face­book et déci­dés à se la cou­ler douce dans une ver­sion new age de La croi­sière s’amuse en Médi­ter­ra­née. Mal­heu­reu­se­ment, il ne faut pas attendre très long­temps pour s’aviser que la croi­sière ne s’amuse guère, le voi­lier finis­sant échoué sur un îlot au large de Gibral­tar quelques semaines plus tard avant d’être retrouvé brûlé avec un cadavre à bord… et huit sur­vi­vants.
C’est là qu’intervient la sculp­tu­rale Eva Velas­quez, pro­fi­leuse et cri­mi­no­logue d’Interpol, qui doit inter­ro­ger tour à tour les res­ca­pés afin de faire toute la lumière sur cette affaire. Et notam­ment sur la dis­pa­ri­tion de Dorian Panzer-Vaugel, fils d’un haut-diplomate fran­çais en poste à Madrid.

Si le roman­cier par­vient bien, au fil de ces pages décou­pées en brefs cha­pitres, à res­ti­tuer l’ambiance délé­tère à bord du bateau qui a conduit au drame (en l’occurrence moins un acci­dent qu’un crime) en inter­ca­lant séances d’interrogatoires menées par Eva et flash-back rela­tifs aux pro­pos de chaque res­capé inter­rogé, on en reste néan­moins à une trame sta­tique, au moins dans l’espace sinon dans le temps :  certes, le lec­teur se retrouve bien entre un Usual Sus­pect et un Snake Eyes mari­times, mais l’histoire n’a pas le souffle épique et hale­tant des pré­cé­dents romans.
Si “l’effet Luci­fer” ou l’expérience de Stan­ford (1971) mis en avant fonc­tionnent, le reste paraît plus convenu et l’effet mind­fuck exposé en exergue — et qui serait l’équivalent du twist au cinéma — ne rem­plit que par­tiel­le­ment son rôle.

Outre les fautes d’accord ou les expres­sions à revoir (voir la confu­sion par exemple p. 46  entre la Bereit­schafts­po­li­zei et les Bereit­schafts­po­li­zis­ten ou encore p. 66 : “Son ego […] la pous­sait […] à se mêler même quand on ne la sol­li­ci­tait pas.”) — mais ce sont des épreuves non cor­ri­gées qui nous ont été envoyées  -, on ne peut tout de même qu’être éba­his par la concep­tion du luxe que délivre Phi­lip Le Roy lorsqu’il écrit p. 171 : “Ils avaient ouvert une bou­teille de Mumm tels des mil­liar­daires à bord d’un yacht aussi cher qu’une villa sur la côte d’azur”.
Nous qui écri­vons depuis Monaco pou­vons confir­mer à l’auteur -  dont on s’inquiète légi­ti­me­ment des à-valoir  qu’il doit per­ce­voir -  que les “mil­liar­daires” qui sévissent en ces contrées consomment autre chose qu’un cham­pagne qu’on peut trou­ver dans le com­merce à par­tir de 25,00 € la bou­teille …et qu’il n’est pas rare que ce type de yacht coûte bien plus cher ici qu’une villa (toutes choses étant ce qu’elles sont et tout dépen­dant du navire et de la demeure en ques­tion bien entendu).

Toujours est-il que ce genre de sco­ries  et de mal­adresse vient pol­luer la den­sité — vou­lue sans être jusqu’au bout tenue — d’un récit qui vise à confron­ter jus­tice et ven­geance mais qui manque en défi­ni­tive de souffle.

fre­de­ric grolleau

Phi­lip Le Roy, Le Neu­vième Nau­fragé, Edi­tions du Rocher, avril 2018, 332 p. — 18,90 €.

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