Une héroïne peut en cacher une autre
Après Marquée à vie qui avait permis aux lecteurs français de découvrir une jeune procureure suédoise tout feu tout flammes (notamment à cause d’un passé d’enfant-soldat plus que trouble), Jana Berzelius, Sommeil blanc nous permet de retrouver la jeune femme qui enquête cette fois-ci sur un réseau international de trafic de drogue – ce qui va l’amener à se confronter de nouveau son ennemi atavique, l’inquiétant « Hadès » : Danilo Peña.
Nous sommes en pleine période de fêtes de Noël, et pendant que la neige tombe dru une thaïlandaise de Bangkok âgée de 15 ans est retrouvée morte dans un train en provenance de Copenhague. Il s’agit d’une « mule », à l’estomac, rempli d’une cinquantaine de capsules d’héroïne, qui a succombé à une overdose lorsqu’une capsules a crevé. Les membres l’unité de police judiciaire de Norrköping s’efforce alors de retrouver son amie, qui l’accompagnait comme mule elle aussi tout en investiguant sur le nouveau groupe mafieux qui a repris, sous la férule du « Vieux » mystérieux, les rênes du marché après après l’exécution de l’ancien patron, Gavril Bolanaki, dans Marquée à vie.
La trame du récit, fort convenue sinon classique pour ce polar de genre, n’a rien d’extraordinaire mais est efficacement servie par un double axe : d’un côté le quotidien des enquêteurs, empêtrés dans les petits tracas de leur quotidien (Emelie Schepp consacrant une bonne part du livre aux portraits psychologiques détaillés du boss, Gunnar Öhrn, amoureux de a collègue, Anneli, du fougueux Henrik Levin dont la femme va accoucher, de Mia Bolander, la déphasée de l’équipe en plein marasme sexuel et relationnel). De l’autre, les déboires tant existentiels que mnésiques (et aussi professionnels tant qu’à faire) de Jana Berzelius, hantée par le retour du refoulé que constitue son enfance de délinquante ultra-violente (quand une héroïne cherche à éradiquer toute héroïne, la psychanalyse sauvage n’est jamais loin…) et qui va devoir crever l’abcès de son rejet par son père adoptif, l’ex-brillant magistrat en retraite Karl Berzelius.
S’il n’y a rien, sur le papier narratif, de nouveau sous le soleil au au-dessus de la glace qui justifie qu’on déplace les foules pour cet opus, il convient toutefois de souligner combien l’auteure maîtrise les codes du page-turner et sait tenir en haleine, de courts chapitres en rebondissements multiples, le lecteur en entrecroisant avec dextérité les fils de son intrigue. L’on se prend ainsi au jeu de cette galerie de personnages lancés dans une course contre la montre (soit individuelle, soit collective) en se demandant comment l’ancienne tueuse aguerrie Jana Berzelius va bien pouvoir se tirer de l’étau qui se resserre de plus en plus autour d’elle.
Sommeil blanc parvient sans faille aucune, de ce point de vue, à empêcher la somnolence : adrénaline garantie !
frederic grolleau
Emelie Schepp, Sommeil blanc, Harper Collins, janvier 2018, 400 p. - 19,90 €.
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