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« La justice peut-elle être injuste ? » (partie 1)

Publié le 6 Octobre 2017, 16:57pm

Catégories : #Philo (textes - corrigés)

« La justice peut-elle être injuste ? » (partie 1)

 

Introduction

Relative aux trois pouvoirs constitutifs de l'autorité politique de type démocratique (législatif, exécutif et judiciaire), la justice comme norme distinguant le Bien du Mal désigne à la fois :

- l'organe ou autorité chargé en société de faire respecter les lois, alliant l'institution judiciaire à la répression (elle condamne les coupables et innocente les accusés, récompense les bons et punit les mauvais)

- l'ensemble mécanique des institutions permettant un ordre juste ou plus juste

- le nom de l'institution étatique qui se réclame de la justice comme d'une valeur universelle et est chargée d'appliquer le droit positif.

 

Mais la justice, gardienne de l'ordre et de la paix, a aussi sens social (celui d'un idéal égalitaire pour contrer les inégalités manifestes) et moral (le fait d'être conforme à ce que la raison prescrit). C'est d'ailleurs la base de la justice que de retranscrire dans la loi le respect de la loi morale. Mais la double signification morale/politique de la justice rend en définitive l'interprétation de cette notion ambiguë. Car tout sépare une justice théorique prise comme idéal moral indépendant des valeurs d'une société donnée (qui ne peut par essence être autre que juste) et une justice légale dont l'application relève de jugements humains par définition perfectibles (et qui donc peuvent être injustes).

Il  faut donc distinguer la  justice religieuse, pragmatique (les lois socio-politiques) et la justice morale (visant conformité au bien). Dans tous les cas, la justice vise un ordre juste, à réduire les injustices ou inégalités sociales de fait générées, au sortir de l'état naturel, par la propriété privée, la création de différentes classes, de  la monnaie et de la division du travail.  Reste que, dans les faits, l'histoire l'atteste, cette justice idéale mène le plus souvent à l'injustice patente. Malgré l'action, parfois internationale, de la justice, nos sociétés souffrent de discordes chroniques qui gâchent toute paix des âmes comme des nations. De plus, si chacun en tant que conscience morale, éprouve un sentiment de justice, la norme de ce jugement en quête d'idéal renvoie à une subjectivité qu'il faut interroger : ce jugement humain qui juge la justice le jugeant peut-il être universel ?

 

On en arrive ainsi au spectre provocant et déstabilisant d'une justice qui serait injuste, question provocatrice s'il en est qui heurte de plein fouet le principe logique de non-contradiction et nous invite à penser l'impensable. Alors, quelles sont les conditions d'une justice juste ? La justice peut-elle agir contre le principe dont elle est la garante et aboutir à une fin qui lui est contraire ? Juste par essence, en quoi la définition de la justice et son application sont-elles source d'injustice? Notre finitude nous autorise-t-elle à évaluer l'ampleur des injustices à réparer ? Si les limites de la  justice la font tendre vers ce mal qu'est l'injustice, comment penser une justice strictement juste ?  La justice est-elle faillible ? Si elle peut être injuste, en a-t-elle le droit ? Dans quelle mesure la justice peut-elle échapper, dans son application, à l'injustice qui menace son idéal abstrait et utopique de justice absolue? 

Pour répondre à cette problématique,on verra que par définition la justice n'est pas injuste (1) puis quel est le visage humain de la justice (2) avant de montrer comment sauver la justice d'elle-même (3).

 

I/ Par définition la justice n'est pas injuste

Vue comme absolu, l'idée de justice est renforcée par son lien au divin : elle est alors parfaite, immuable et souveraine. Cet idéal d'une justice divine inspire l'idée d'un droit naturel avec lequel le droit positif doit se confondre. Si justice est injuste, sa fonction ne peut être maintenue sans contestations quant à la légitimité de l'existence des lois (la question surprend d'ailleurs parce qu'elle établit un lien de similitude entre deux notions antinomiques et se donne comme contradictoire). Voir le Criton où les lois personnifiées soulignent que leur légitimité tient au respect que Socrate témoigne à leur endroit.La justice « juste » est nécessaire car elle est le garant de la cohésion sociale qui sinon laisse place à loi du plus fort (l'homme retourne alors à l'état de nature). Saint Thomas passe de cette justice divine à celle de l'homme en faisant du jugement le siège de la responsabilité : chacun peut juger de soi-même de l'injustice selon le docteur angélique.

Mais la perfection de cette justice transcendante mettant fin à loi du plus fort n'est pas humaine et les mortels qui cherchent à actualiser l'idée de justice s'exposent au risque de la pervertir et corrompre en voulant la reproduire dans le réel. Parce que la corruption est innée en l'homme et que le législateur tranche souvent à son avantage pour instaurer la justice, l'injustice peut poindre.

 

Précisons que nous sommes peut-être déjà dans l'erreur quand, éloignés du référent divin auquel s'identifie la justice première, nous prenons l'autorité judiciaire, les lois, le Code pénal pour LA justice quand ces éléments ne font qu'en définir l'essence tout en tendant à la faire appliquer ici-bas. De ce point de vue, une loi peut être injuste le cas échéant, mais pas LA justice... Cela étant, si l'on confond la justice avec les organismes ayant pour fonction de la représenter et de faire respecter la véritable justice, alors cette justice peut peut être injuste, quand elle est mal appliquée de fait, en prétendant servir la justice suprême – laquelle n'a ni la possibilité ni le droit d'être injuste quant à elle.

La justice qui vise à pérenniser la société paraît ainsi injuste quand elle légalise les inégalités : loin d'une valeur universelle, elle n'est alors qu'une institution permettant la vie en société car elle s'intéresse plus au citoyen qu'à l'homme– ce qui paraît rendre difficile réforme de justice.Comme se plaisait à le dire l'ancien président Jacques Chirac : « Trop de justice tue la justice ». La justice, sous cet angle, est à la fois formelle et abstraite, elle ne vaut que comme émanation d'une volonté générale putative. L'on retrouve une critique de cette volonté générale. de type rousseauiste par Schumpeter dans Capitalisme, socialisme & démocratie pour qui ce n'est qu'un mythe à cause de l'idiosyncrasie et de l'éclatement atomistique de la notion d'intérêt.

 

L'imperfection inévitable de la justice provient de ce qu'il lui est impossible de se reposer sur un droit et une morale universels. Parce que monde réel est infiniment complexe, la justice prise comme norme absolue ne peut advenir ; elle n'advient que sous forme de son autre, son contraire et antonyme (tant terminologique que conceptuel) :  l'injustice. C'est parce que l'homme est faillible que la justice est en puissance injuste. L'injustice de la justice tient alors à son institutionnalisation même qui varie selon les époques (« Plaisante justice qu'une rivière borne »  souligne Pascal qui dénonce dans les Pensées l'origine mystifiante de la justice qui dérive d'un fait transformé en droit, ce qui lui fait dire aussi : «La justice sans la force est impuissante, la force sans justice est tyrannique »). Ce n'est donc pas la décision de justice qui est injuste mais sa conséquence dans la sphère individuelle. Dans la lignée de Socrate posant : « Je préfère subir l'injustice que la commettre »,Goethe, pendant le siège de Mayence par les révolutionnaires français  demandant qu'on relâche un traître que la foule veut lyncher dans la cité, ce qui serait promesse de chaos, affirmera: « Il vaut mieux une injustice qu'un désordre »

On peut aussi rappeler sur ce point Antigone où Créon camoufle son action sous une prétendue justice pour conserver l'ordre politique en place. La décision de justice de Créon amène alors à ce que le corps de Polynice pourrisse injustement sous les murs de Thèbes. Mais comme le droit divin ancestral n'est pas le droit des hommes, Créon sera puni par le destin pour sa faute, signe que l'injustice des hommes est toujours sous le contrôle de la justice des dieux. C'est au nom d'une loi « intangible et non-écrite » qu'Antigone désobéit au roi et enterre son frère : ici, la justice morale rétablit l'injustice légale d'un mauvais roi au pouvoir.

 

Devenue injuste, la justice n'est en effet plus protection mais arme d'oppression des individus. Tout le problème tient à ce que, juste dans le cadre de la légalité, la justice peut être injuste dans celui de la légitimité.Une telle justice n'est qu'empirique, relative et contingente. Elle revient à nier toute universalité et toute unité du genre humain. C'est alors l'identité métaphysique de l'humanité qui est remise en cause. En témoigne la figure de Jean Valjean dans Les Misérables, qui ne trouve pas de travail et vole du pain pour survivre. Il sera condamné par l'instance judiciaire au bagne pour cela : l'injustice première (la situation sociale de Valjean) appelle alors en chaîne à une injustice seconde, d'un autre ordre, le couperet administratif qui sanctionne au lieu de comprendre.

On peut observer toutefois que Puffendorf, pour qui il peut être juste que le pauvre vole le plus riche, propose un « droit de nécessité »  qui « légalise » le vol d'autrui à trsoi conditions : 1- ne pas voler quelqu'un dans la même situation ; 2- ne pas prendre plus que de besoin ; 3 - restituer ensuite les biens dérobés si possible !

 

Peut-on donc réellement parler de justice si elle est en inadéquation avec son essence ? Quels sont les critères possibles d'établissement de la justice hic et nunc ? La justice peut-elle avoir       un visage non pas « humain, trop humain » mais plus humain, qui ne la défigurerait pas, qui éviterait les dérives et permettrait la prise en charge du visage de l'autre homme, fondement de l'éthique  chez Lévinas ? Comment faire pour que la justice du citoyen n'oublie pas la justice de l'homme ?

 

II/ Le visage humain de la justice

La justice absolue et universelle sert de référent à toutes les justices relatives qui sont, elles, réductibles au contexte historique et social où persistent des formes d'injustices. Mais l'écart irréductible entre l'idéal et la réalité complexe fait que la justice doit avant tout être conforme à l'ordre humain & à l'intérêt général, qui peuvent aller jusqu'à exiger que l'on se comporte sciemment de façon injuste pour assurer l'harmonie du bien-vivre ensemble de la communauté globale. Pas de justice sans un fondement universel du droit dont elle serait l'actualisation en rendant possible la manifestation de la rationalité et du libre arbitre de chacun.
Rawls établit en ce sens dans sa Théorie de la justice que la justice sociale est basée sur des inégalités justes car l'important est de préserver l'égalité des chances, de modifier les conditions qui empêchent le mérite de tel ou tel individu de s'exprimer. Soit de rendre la justice par l'injustice ! La société juste ici est celle où les inégalités sont acceptables tant que chacun à les mêmes chance de réussite que les autres. La fin en soi de la justice alors repose  non pas sur l'égalité mais l'égalité des chances/possibilités offertes pour compenser les inégalités initiales. L'équité devient le moyen de cette fin qu'est l'égalité... Le paradoxe initial d'une définition du juste est surmonté en ce que l'action juste devient l'action différente et particulière pour chaque sujet, donc « injuste ».

 

Dans ce contexte d'un conflit entre la finalité première et les moyens seconds de la justice, d'un écartèlement entre le tout et la partie, il faut dire alors que non seulement la justice peut être injuste mais qu'elle le doit. En particulier parce que certains ne la respectent pas pour elle-même mais par crainte des conséquences de leurs actes. Constitutive de la justice et de la liberté, l'injustice ne réside que dans l'astreinte aux lois qui nous sont imposées et auxquelles nous nous assujettissons nous-mêmes pour ne plus avoir de maîtres. C'est donc un devoir pour la justice que d'être injuste comme c'est  un devoir pour nous de veiller au respect des lois, faute de quoi nous perdons la liberté.

Justice doit accepter d'être injuste puisque la faiblesse consubstantielle des hommes fait que l'impartialité leur est impossible. D'où les nombreuses erreurs judiciaires au sein du système, tele l'affaire Dreyfus ou d' Outreau... Comme l'indiqueCicéron, De Officiis, I, 10, 33 : « Summum jus, summa injuria », « La justice excessive devient injustice » (« Il y a fréquemment des injustices consistant à chercher chicane aux gens et à interpréter subtilement le droit. De là, cette maxime devenue proverbe: "summum ius, summa iniuria". Beaucoup d'actes immoraux de cette sorte se commettent au nom de l'intérêt public »). Comble de justice, comble d'injustice. Rien de plus injuste, et de plus contraire à la morale, que le droit, s'il est rigoureusement observé...

 

Ceci pose donc un problème moral : si elle admet le risque d'être injuste, la justice ne peut être pleinement juste. Elle semble plutôt condamnée à la précarité. Si la justice est fin en soi, l'injuste ne peut se justifier. Car une justice injuste revient à établir que la justice ne vise pas seulement l'institution du respect de la loi morale – auquel cas il ft remplacer l'idéal moral par un seul idéal politique. L'injustice n'existe alors pas en soi mais provient de l'assimilation de la justice à la stricte légalité : les lois peuvent aussi bien lutter contre l'injustice que la justifier...La figure de K dans Le procès de Kafka en témoigne. Il n'est ni criminel ni dangereux pour l'ordre social mais se retrouve au coeur d'une procédure judiciaire inhumaine qui le rend petit à petit fou à lier. Identiquement, le héros du film Brazil de Terry Giliam tente de sauver la mémoire d'un citoyen d'un Etat bureaucratique totalitaire qui a été exécuté par erreur, son nom Buttle ayant été transformé en  celui d'un activiste rebelle, Tuttle, à cause d'une mouche écrasée sur un papier administratif !

 

La justice est donc possiblement injuste, si on entend par là qu'elle est parfois injuste légitimement.  Le paradoxe de départ est levé quand on distingue dans l'injustice une valeur morale absente dans la simple justice légale. Ce qui caractérise une telle injustice, ce n'est pas seulement une défaillance humaine ou l'irrespect des lois du droit positif mais une action rationnelle et réfléchie qui s'inscrit en faux contre les valeurs communautaires partagées par autrui.

Si le problème se pose, c'est parce qu'on fait de la justice une expérience subjective et relative qui est celle de notre conscience (la loi juridique m'est imposée alors que j'adhère à la loi morale). On est ainsi renvoyé à l'opposition droit positif / droit naturel. Le droit moral exprimé par les exigences de la conscience individuelle ne s'accorde en effet pas forcément avec le droit juridique formulé dans les lois existantes de l'Etat.  Bien plus, le droit moral s'oppose par nature au droit juridique puisqu'il porte, au-delà des lois existantes, l'exigence d'un progrès indéfini de ces mêmes lois pour les rendre de plus en plus conformes à nos aspirations légitimes. La justice désigne l'idéal de ce processus historique qui doit conduire le droit positif à se réformer lui-même jusqu'à atteindre la perfection, i.e à disparaître. Au fond la justice réclame l'abolition du droit !

 

Le scandale de l'injustice, c'est donc qu'il puisse y avoir deux lois : celle de la conscience et celle de la société, et que ces lois soient en désaccord. Le problème de la justice se présente ainsi pour le philosophe sous forme d'une opposition à  première vue irréductible, sauf à attendre le Jugement dernier ou la Fin de l'histoire. C'est pourquoi le jusnaturalisme (la philosophie du droit naturel) tend à relativiser le droit positif en évaluant sa conformité au droit de nature (c'est-à-dire au droit de la conscience morale conforme aux principes de la raison universelle). A l'inverse, le positivisme juridique affirme la prééminence de la loi instituée par le législateur comme condition de possibilité de la justice elle-même (ce qui veut dire que les exigences de la n'ont par elles-mêmes aucune valeur s'il n'existe pas d'abord un ordre politico-juridique institué).

 

La conscience individuelle qui dénonce une injustice ne saurait nier en effet l'existence de lois en général : elle ne le fait que pour reformer la loi en vue de créer un système juridique mieux adapté. Ainsi la conscience individuelle cherche encore à s'inscrire dans le cadre juridique du droit positif. Droits naturel et positif ne s'opposent donc pas comme deux réalités distinctes mais apparaissent comme deux réalités étroitement liées Rousseau souligne dans Du contrat social, L.II, chp 6 : « Toute justice vient de dieu, lui seul en est la source ; mais si nous savions la recevoir de si haut, nous n'aurions besoin ni de gouvernement ni de lois. (...) faute de sanction naturelle, les lois de la justice sont vaines parmi les hommes ; elles ne font que le bien du méchant et le mal du juste (...).Il faut donc des conventions et des lois pour unir les droits aux devoirs et ramener la justice à son objet. »

Cette opposition du droit et de la morale, de l'égalité et de l'équité, de la légalité et légitimité est dialectique : l'idée du droit naturel complète celle du droit positif. Il ne s'agit pas de critiquer le droit de l'extérieur en montrant que lois sont mauvaises mais il faut le juger de l'intérieur en montrant combien les lois sont insuffisantes, partiales et partielles. C'est pourquoi le jusnaturalisme et le positivisme juridique ont raison tous deux : la loi sans conscience est vide, la conscience sans loi est aveugle. C'est précisément parce qu'il y a des lois qu'elles peuvent être jugées insuffisantes au regard de la conscience individuelle ; mais c'est aussi dans le mesure où la loi fait droit à la conscience individuelle que celle-ci peut devenir le principe selon lequel le droit positif peut être réformé et amélioré.

 

Il faut donc établir entre ordre naturel et droit positif une harmonie possible... à condition de ne pas tenir compte de la critique du droit par Marx qui propose la négation de la justice au nom d'une certaine idée de la justice. Marx cherche à abolir distinction entre droit et morale : le droit est en effet ds son essence même injuste, c'est-à-dire particulier, inégal. Voir la Critique du parti ouvrier allemand : « Le droit est un droit de l'inégalité, comme tout droit ». Parallèlement, Marx dénonce la critique morale du droit qui ne s'attaque pas scientifiquement et politiquement à la transformation du système juridico-politique existant. La pensée marxiste donne ainsi naissance à une conception de l'histoire humaine où le dépassement dialectique du droit et de la morale devient la mise en oeuvre d'un programme politique visant à réaliser la justice sur terre.

Or il y a là un caractère idéologique dangereux : dans cette réduction de la réalité à l'idée (ici l'identification du progrès de l'histoire humaine à un processus logique), l'idéologie – par exemple. celle des régimes totalitaires – refusera de confronter son idée de justice avec des expéricences contradictoires. Plus encore, elle récusera la réalité des injustices qu'elle engendre, voire les justifiera au nom de la fin poursuivie. La pensée de l'idéologie nie aussi bien le droit de la conscience que l'existence des lois. Elle nie ainsi qu'il puisse exister une différence entre droit et morale, entre conscience de mes droits et reconnaissance juridique de mes devoirs par rapport à autrui. Quand la justice sert ainsi la force, les inégalités naturelles ne sont plus compensées par l'égalité juridique, elles justifient des inégalités juridiques.Ce qui revient à justifier des injustices...

L'illustre chez Kafka La colonie pénitentiaire où le prévenu voit gravé dans son corps le texte de la loi qu'il a bafouée grâce à une herse de verre qui le tue ! Le Calligula de Camus expose également la justice absurde d'un empereur fou qui décrète les jours de famine, ce qui pose la question de savoir si un homme peut être libre jusqu'à s'asservir la justice...Hitler rappelait ainsi en avril 1933 devant les magistrats allemands : «Dans l'Etat total que nous voulons instituer, il n'y aura pas de différence entre la morale et le droit. »

 

Le maintien de cette différence constitue au contraire l'une des plus solides assurances que la justice ne sera pas bafouée. C'est même à cette condition nécessaire, quand bien même elle ne suffit pas, que la justice pt être réalisée en ce monde.

 

Loin d'un idéal abstrait, la justice est bel et bien en élaboration constante, même si les erreurs de la justice légale remettent en cause son idéal de justice morale et les injustices qui en découlent. Mais la possibilité de l'erreur judiciaire est-elle acceptable pour le juste ? Peut-on accepter, dans le même ordre d'idée de punir un innocent ? Comment faire pour que la justice soit juste dans ses principes et dans ses effets concrets ? Pour qu'elle puisse viser une justice à la fois politique et morale ?

 

à suivre dans la partie 2

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