Suaire froid
Les thrillers qui séduisent le plus sont souvent ceux qui reposent sur une base historique alléchante. Dans la lignée de Je suis le linceul, Dans l’ombre du Saint-Suaire ou encore Le Linceul Apcalypsis, Erick George-Egret s’essaye dans ces pages à proposer une nouvelle lecture du mystère que représente pour tous, croyants ou non, fervents prosélytes ou scientifiques sceptiques, le linceul du Christ encadré à Turin (https://fr.wikipedia.org/wiki/Suaire_de_Turin ).
Avec en toile de fond la sempiternelle mais intéressante question de savoir si ce linge tétradyplon ayant enveloppé le corps du Christ après la crucifixion du Golgotha en l’an 33 à Jérusalemest authentique ou non, l’auteur ajoute deux ingrédients principaux à son flux d’informations/ interprétations historiques (une mise au point précise et maîtrisée fort stimulante pour le néophyte de la réception et transmission de l‘image acheiropoïète du fils de Dieu au fil de siècles) : une héroïne, la médiéviste Catherine Dorval, spécialiste du linceul et militant de Copenhague à Istanbul en passant par Venise et Paris pour la thèse de la vérité liée au Suaire ; une secte formée par Saladin, “Les voyageurs noirs”, qui met tout en oeuvre depuis 1187 pour détruire ce trop ostensible signe de foi des Infidèles. Elle-même menacée de mort, la médiéviste va devoir puiser dans des ressources insoupçonnées pour résister aux multiples attaques qu’elle subit, dans sa chair et dans ses proches.
Du point de vue pédagogique, Les voyageurs noirs remplit parfaitement sa mission, l’alternance des courts chapitres entre époque contemporaine et séquences empruntées aux siècles précédents permettant un rythme efficace. Si l’on déplore trois coquilles (« métempsychose » p. 230, « je t’en pris » p. 238 et « Sarmotha » (contre Sarmoutha les pages précédentes) p. 327), l’ensemble des informations est dilué de manière fluide ; les épisodes du XIIe au XVIe siècles bien intégrés à la trame générale, l’originalité de Erick George-Egret consistant à unifier la discontinuité apparentes des “accidents” arrivés au Suaire dans la continuité d’une volonté de destruction faisant bel et bien sens.
Le romancier insiste un peu trop en revanche sur sa lecture de certains faits sociétaux du XXI siècle (Bachar el-Assad pas si méchant que cela, la collusion entre grand capitalisme et le terrorisme de Daech, BFM TV qui désinforme etc.) qu’il assène comme une vérité générale — même si interrogative — par la bouche de la protagoniste sans qu’un véritable argumentaire soit mis en place. La chute, qui ne se prononce pas sur le caractère indubitable du Suaire, pourra également laisser tel ou tel lecteur déçu mais ce nouveau roman dédié au Linceul a le mérite de faire la synthèse de la plupart des thèses en présence à son sujet tout en fournissant un récit mené tambour battant.
frederic grolleau
Erick George-Egret, Les voyageurs noirs, éditions du Rocher, mars 2017, 368 p. — 21,90 €.
Commenter cet article