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Erick George-Egret, "Les voyageurs noirs"

Publié le 23 Avril 2017, 14:23pm

Catégories : #ROMANS

Erick George-Egret, "Les voyageurs noirs"

Suaire froid

Les thril­lers qui séduisent le plus sont sou­vent ceux qui reposent sur une base his­to­rique allé­chante. Dans la lignée de Je suis le lin­ceul, Dans l’ombre du Saint-Suaire ou encore Le Lin­ceul Apca­lyp­sis, Erick George-Egret s’essaye dans ces pages à pro­po­ser une nou­velle lec­ture du mys­tère que repré­sente pour tous, croyants ou non, fer­vents pro­sé­lytes ou scien­ti­fiques scep­tiques, le lin­ceul du Christ enca­dré à Turin (https://fr.wikipedia.org/wiki/Suaire_de_Turin ).
Avec en toile de fond la sem­pi­ter­nelle mais inté­res­sante ques­tion de savoir si ce linge tétra­dy­plon ayant enve­loppé le corps du Christ après la cru­ci­fixion du Gol­go­tha en l’an 33 à Jéru­sa­le­mest authen­tique ou non, l’auteur ajoute deux ingré­dients prin­ci­paux à son flux d’informations/ inter­pré­ta­tions his­to­riques (une mise au point pré­cise et maî­tri­sée fort sti­mu­lante pour le néo­phyte de la récep­tion et trans­mis­sion de l‘image achei­ro­poïète du fils de Dieu au fil de siècles) : une héroïne, la médié­viste Cathe­rine Dor­val, spé­cia­liste du lin­ceul et mili­tant de Copen­hague à Istan­bul en pas­sant par Venise et Paris pour la thèse de la vérité liée au Suaire ; une secte for­mée par Sala­din, “Les voya­geurs noirs”, qui met tout en oeuvre depuis 1187 pour détruire ce trop osten­sible signe de foi des Infi­dèles. Elle-même mena­cée de mort, la médié­viste va devoir pui­ser dans des res­sources insoup­çon­nées pour résis­ter aux mul­tiples attaques qu’elle subit, dans sa chair et dans ses proches.

Du point de vue péda­go­gique, Les voya­geurs noirs rem­plit par­fai­te­ment sa mis­sion, l’alternance des courts cha­pitres entre époque contem­po­raine et séquences emprun­tées aux siècles pré­cé­dents per­met­tant un rythme effi­cace. Si l’on déplore trois coquilles (« métem­psy­chose » p. 230, « je t’en pris » p. 238 et « Sar­mo­tha » (contre Sar­mou­tha les pages pré­cé­dentes) p. 327), l’ensemble des infor­ma­tions est dilué de manière fluide ; les épi­sodes du XIIe au XVIe siècles bien inté­grés à la trame géné­rale, l’originalité de Erick George-Egret consis­tant à uni­fier la dis­con­ti­nuité appa­rentes des “acci­dents” arri­vés au Suaire dans la conti­nuité d’une volonté de des­truc­tion fai­sant bel et bien sens.
Le roman­cier insiste un peu trop en revanche sur sa lec­ture de cer­tains faits socié­taux du XXI siècle (Bachar el-Assad pas si méchant que cela, la col­lu­sion entre grand capi­ta­lisme et le ter­ro­risme de Daech, BFM TV qui dés­in­forme etc.) qu’il assène comme une vérité géné­rale — même si inter­ro­ga­tive — par la bouche de la pro­ta­go­niste sans qu’un véri­table argu­men­taire soit mis en place. La chute, qui ne se pro­nonce pas sur le carac­tère indu­bi­table du Suaire, pourra éga­le­ment lais­ser tel ou tel lec­teur déçu mais ce nou­veau roman dédié au Lin­ceul a le mérite de faire la syn­thèse de la plu­part des thèses en pré­sence à son sujet tout en four­nis­sant un récit mené tam­bour battant.

 fre­de­ric grolleau

 Erick George-Egret, Les voya­geurs noirs, édi­tions du Rocher, mars 2017, 368 p. — 21,90 €.

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