En attendant Nadeau: sommaire du n°23
20 déc. 2016
Par En attendant Nadeau
Blog : Le blog d'En attendant Nadeau
Parce que nous essayons de réfléchir à la portée du geste critique, nous mettons à la Une les recensions de deux ouvrages qui pensent avec la littérature. "Styles", de Marielle Macé, et "La littérature au laboratoire", dirigé par Franco Moretti, illustrent les chemins divergents de la critique actuelle.
Numéro 23 et demi
EaN vous propose une sélection de quelques titres parmi les livres de la rentrée littéraire de janvier en attendant le numéro 24, qui paraîtra mercredi 18 janvier.
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Arts plastiques
Frédéric Grolleau, Hieronymus, moi, Jérôme Bosch, ou le peintre des enfers, Editions du littéraire
En cette année qui célèbre Jérôme Bosch, Paul Louis Rossi, écrivain et critique, présente le travail de Frédéric Grolleau qui s’empare de manière ambitieuse de la vie mystérieuse du peintre et s’emploie à la resituer dans son époque, comme celle d’un véritable acteur du temps.
Mystérieux Jérôme Bosch
L’année 2016 devait être consacrée au peintre Jérôme Bosch dans les Flandres et la Wallonie. Mais, bouleversement imprévu du destin, les cérémonies furent gravement perturbées par une série d’attentats meurtriers venus toucher Bruxelles et Paris au début de cette année. Si bien qu’une partie des manifestations a été suspendue, et je n’ose le dire, que l’univers tragique de Bosch n’était pas fatalement désirable en cet instant de l’histoire. La connaissance, la nature et la physionomie du peintre ont grandement souffert de ces événements.
Frédéric Grolleau, Hieronymus : moi, Jérôme Bosch, ou le peintre des enfers. Éditions du Littéraire, 280 p., 23,50 €
Il existe cependant un personnage, écrivain et critique nommé Frédéric Grolleau, qui s’est emparé de l’histoire et de la destinée du peintre, pour tenter d’en extraire des certitudes, et sans doute de lui donner une physionomie, une intelligence et même une situation sociale prestigieuse. Le dégager en sorte de la brume et du mystère qui entourent sa vie afin de le présenter comme protagoniste actif des évènements et de l’histoire de l’époque.
En face du mystère, Frédéric Grolleau prend à l’inverse le parti de dresser une image du peintre depuis son enfance, avec un caractère et des goûts, des désirs et des croyances, et même des extraits d’un journal imaginaire et clandestin qu’il prétend avoir trouvé par hasard. Voici donc la première tentative de dégager du mystère Bosch un portait naturaliste de son physique, de ses pensées, de ses désirs, et même de ses goûts érotiques et religieux.
Évidemment, les drames et la situation de l’époque, avec l’intrusion de la philosophie, la publication de La Légende dorée, la montée de l’inquisition et l’incendie de Bruges, nourrissent la supposition d’une jeunesse troublée par la violence et les massacres. A quoi il faut ajouter une prolifération des sectes de toutes sortes en ces pays, et, pourquoi ne pas le dire, une élaboration des bases spirituelles et philosophiques du protestantisme.
Cependant, il faut admettre que Bosch, issu d’une famille active, appartenant à cette confrérie de Notre-Dame, fait preuve, dans l’histoire qui lui est attribuée, d’une singulière discrétion, pour ne pas dire de marginalité. On ne distingue pratiquement aucun écrit, aucune déclaration, aucune prétention affichée dans sa carrière. L’histoire de son portrait est symbolique. On le corrige de temps à autre. Dans le « Triptyque de l’Épiphanie » par exemple, il est désigné à la place de Saint-Joseph, seul et désespéré, loin de l’arrivée des Roi Mages et des représentants du clergé et des notables agenouillés.
Il faudra lire attentivement les analyses et les improvisations de Frédéric Grolleau, car il a le courage de répondre à chaque question, de lever le voile du mystère, de lui trouver une explication et même d’inventer, je le suppose, un cahier secret avec les écrits de Hieronymus lui-même. Il est vrai que l’on a décelé parfois le portrait supposé de Bosch, curieusement dans la scène tardive du portement de la croix.
Voici donc que l’année Jérôme Bosch s’achève dans le froid et l’incertitude. Je pense qu’il faut y voir un éloge du pessimisme. Un mot malgré tout sur la présence d’Albrecht Dürer à Anvers en compagnie de sa femme et de sa bonne en 1520. Il est reçu et embrassé par Joachim Patenier et par le prodigieux Lucas de Leyde. On veut le présenter à la bonne Dame Marguerite de Bourgogne qui protège les peintres suspectés de protestantisme. Mais Jérôme Bosch est mort en 1516, et Dürer va lui-même bientôt disparaître en 1526. Que je sache, il n’existe aucune trace d’une rencontre de la sorte. Ce qui nous étonne, c’est l’énorme mystère qui persiste dans la distribution et l’analyse des scènes picturales et des notices qui entourent le peintre nommé Hieronymus Bosch.
source :
https://blogs.mediapart.fr/en-attendant-nadeau/blog/201216/en-attendant-nadeau-sommaire-du-n-23
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