Nuages de swing
Difficile, le pari des éditions du Rocher de rééditer une biographie du célèbre ténor du jazz manouche, notamment après la parution remarquée du livre d'Alain Gerber, Insensiblement Django (Fayard). Pourtant, ce « génie vagabond » mérite le détour, tant la documentation de Noël Balen, par ailleurs musicien et membre de l'académie du jazz, est fouillée et sa plume maîtrisée. Les grandes périodes qui segmentent l'opus sont bien pensées et permettent avec efficacité de retracer et le parcours d'un musicien exceptionnel et d'un homme aux sautes d'humeur incontrôlables – aussi fréquentes que ses retards.
Le biographe ne se contente pas effet de décortiquer la discographie abondante du guitariste (dont certains enregistrements souvent inconnus du grand public), en les commentant avec une minutie certaine, mais il prend aussi position sur la qualité des accompagnateurs, égratignant au passage non sans ironie tel ou tel interprète dispensable. Dans ce prisme historique et sociétal qui va de 1910 à 1953, c'est également l'évolution du monde qui est mise en avant en parallèle à celle du gitan au tempo si particulier et à l'improvisation légendaire en train de devenir rien moins qu'une référence mondiale – ce, même si sa tournée américaine auprès de Duke Ellington dans la patrie du jazz n'aura pas les effets escomptés par celui qui, empreint d'éclectisme artistique, délaissera finalement le quintette Hot Club de France, le jazz et le be bop pour se consacrer à la pêche et à la peinture...
Une biographie à conseiller donc pour, outre les faits et anecdotes rapportés par une belle écriture, se plonger dans les incroyables rencontres faites par Django au fil des sessions et autres bœufs mythiques qu'il enchaîne avec la virtuosité qu'on lui connaît et l'effervescence musicale française des années d'avant-guerre si bien dépeinte ici.
frederic grolleau
Noël Ballen, Django Reinhardt. Le génie vagabond, Le Rocher, 2015, 292 p. - 19,90 €.
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